Le modèle de la grue pour la pose de blocs de béton,
édité en 1928, illustrait l'utilisation du tout nouveau grand roulement à
galets (pièce n° 167). Décrit sur les feuillets anglais du super-modèle n°4 comme
« le plus grand modèle Meccano », il est rapidement devenu un symbole
représentatif des modèles avancés pouvant être réalisés en
Meccano. Une version allongée est venue orner les couvertures de nombreux manuels du début des années
30 ,
puis de 1948 dans une version, curieusement inversée, redessinée par Pinyon,
reprise enfin en 1955
-- et ce bien que le roulement à galets n'ait plus été fabriqué après-guerre !
Le thème a donc souvent été considéré comme un aboutissement
pour des générations de meccanomen, et il est peu d'expositions Meccano où de
telles grues ne soient pas présentées, qu'elles s'inspirent du super-modèle,
des couvertures d'époque, ou, pour les « réalistes », de
prototypes réels.
Bien que plusieurs versions d'exposition aient été réalisées par les
services de Binns Road pour promouvoir la marque, les plans de la version allongée n'ont
jamais été publiés par Meccano (le « Modelplan » 143
est toutefois disponible chez MW Mail Order, depuis 2003).
Mon interprétation ci-dessus est totalement personnelle. Bien que largement
inspirée par les documents décrits ci-contre, elle a été
réalisée avec comme principale contrainte d'être
« économique » -- c'est-à-dire pouvoir être construite
avec les pièces disponibles dont je disposais à l'époque. Elle ne fait donc appel, outre
les pièces de la boîte 10, qu'à une bonne quantité de pièces de
construction et laiton courantes... plus, pour être complet, une paire d'engrenages d'angle,
deux petits pinions hélicoïdaux et quatre poutrelles de 49 trous.
Entièrement réalisée en pièces standard (à part la motorisation,
la télécommande, la charge et le contrepoids), la grue pèse environ 32 Kg en
ordre de marche. La flèche mesure 2,10 m, soit 161 trous (contre 123 pour le
super-modèle, et 135 pour la couverture des manuels), ce qui permet une course de chariot de
1,12 m.
Plutôt que de tenter de ressembler à un prototype particulier (voir
Références), j'ai plus ou moins conservé les proportions du modèle
des couvertures de manuels, notamment la base inutilement haute, afin de rester conforme à
l'imagerie collective Meccano.
Le mouvement du chariot est équipé de fins de course
mécaniques à chaque extrémité. Une autre fin de course,
également mécanique, est activé si la charge est trop relevée. Son
principe est visible sur la seconde photo ci-dessus : en butée, le système
d'accrochage soulève la tringle horizontale qui, montée sur un pivot, soulève
la poulie de 12 mm, laquelle tend un câble, guidé par les poulies de 25 mm,
et courant sur toute la course du chariot.
La charge est en bois peint. Le système d'accrochage, basé sur celui du
super-modèle 4, a été adapté de façon à empêcher
que les boucles du câble ne se mélangent.
Le contrepoids est fait de deux briques de bâtiment, peintes et simplement placées
dans un berceau en Meccano.
Le modèle est activé par un moteur unique (visible au-dessus le
contrepoids ci-dessus) tournant en permanence, récupéré d'un lève-vitre
électrique de voiture. Il est incroyablement puissant, et très silencieux.
Les quatre mouvements sont pilotés, un à la fois, par une radio-commande deux voies.
La partie la plus complexe du mécanisme ci-dessus est celle permettant, suivant les
positions des manettes (deux positions chacune + point mort, soit neuf combinaisons au total),
d'activer l'un des quatre mouvements bidirectionnels (soit également 9 combinaisons avec le
point mort).
Les mouvements sont ensuite transmis, en passant par les embrayages pour les fins de course du
chariot et la montée de la charge, par des vis sans fin, qui assurent la réduction
ainsi que le freinage des mouvements au repos.
L'ensemble du mécanisme peut être désolidarisé du modèle en
démontant quatre vis. Le toit est juste posé. Tous les paliers sont formés de
trois bandes, ce qui permet un fonctionnement plus précis, plus silencieux et une meilleure
lubrification.
La roue de chaîne de 7,5 cm est un hommage aux mécanismes du super-modèle
et de la grue des couvertures des manuels.
La flèche repose sur une couronne de douze poulies de 25 mm avec pneus,
prise en sandwich entre deux couronnes à rebord solidaires de la base. Le centrage est
réalisé par une roue de 133 dents, fixée à la base, encadrée par
quatre pinions de 19 dents, dont deux sont moteurs et assurent la rotation de la flèche. La
roue sert également de palier à l'axe transmettant le mouvement de translation.
Cet agencement donne un fonctionnement souple, une meilleure transmission des efforts à la
base qu'un roulement à galets sans induire de contraintes sur l'axe central -- et
n'abîme pas la peinture des couronnes !
Le mécanisme central est protégé par un capot,
déposable en enlevant quatre vis.
La transmission du mouvement de rotation est réalisé par deux paires de pinions
d'angle, débrayables de l'entraînement principal par un levier manuel (en bas à
droite de la photo ci-dessus).
Le renvoi du mouvement de translation est réalisé par pinions hélicoïdaux
en prise avec une roue de champ. Je cherchais depuis longtemps à mettre en pratique cet
agencement original, vu dans l'ouvrage The Meccano Constructor's Guide de Bert Love. Ici ce
sont deux pinions diamétralement opposés et tournant en sens inverse qui sont
utilisés, de façon à compenser le couple qui tend à tordre l'axe de la
roue de champ. Le fonctionnement est étonnamment souple, fluide et puissant.
Le mouvement est transmis à la base par un joint homocinétique. Les cardans sont
reliés par deux paires de supports plats. Les trous oblongs de ceux-ci permettent de petites
variations de longueur, ce qui permet d'absorber les oscillations de la flèche par rapport
à la base.
Les bogies, un peu massifs, intègrent une double articulation, pour chaque
paire d'essieux d'une part, et entre les paires adjacentes d'autre part. Ceci permet de compenser
les irrégularités des rails, et ainsi garantir l'adhérence permanente de
chacune des roues motrices.
L'entraînement, réalisé par l'intérieur, est tel que les paliers
intermédiaires, colinéaires aux pivots d'articulation des trains, ne supportent pas
le poids du modèle et ne créent pas de frottement supplémentaire.
Ne pas manquer les excellentes pages de Wes Dalefield sur sa propre grue ainsi qu'une bibliographie.
Voir aussi cet intéressant article sur la grue Pinyon (en bas de page), à l'occasion de l'exposition 2002 de la Transvaal Meccano Guild.
La rutilante grue de Guy Pouchet vaut largement le détour.
Voici enfin quelques photos de « vraies » grues accessibles en ligne (autres sources bienvenues) :
- Comodoro Rivadavia (Patagonie)
- Comodoro Rivadavia (encore)
Les merveilles du génie civil de 1928 contient également plusieurs excellentes illustrations de grues réelles.